Pourquoi les musées cambodgiens interdisent-ils les photos ?

L'interdiction de photographier dans les musées au Cambodge
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Alors que l'exposition parisienne "Bronzes royaux d'Angkor, un art du divin" au musée Guimet (Paris, France) fait l'objet d'un succès retentissant, les visiteurs affluent, capturant librement clichés et souvenirs de ces trésors khmers. Une scène habituelle dans la plupart des musées occidentaux. Pourtant, ici à Phnom Penh, la réalité est tout autre. Les grands musées de la capitale affichent une interdiction stricte de prendre des photos, laissant les visiteurs perplexes face à cette politique. Quelles sont les raisons derrière cette restriction ?

Panneau d'interdiction de photographier, manger, parler fort, porter des casquettes ... au musée SOSORO
Panneau de politique de restrictions pour la visite du musée SOSORO

L'expérience immersive et la préservation : L'approche du musée SOSORO

Le Musée SOSORO, dédié à l'économie et aux finances cambodgiennes, justifie son interdiction par la volonté de maintenir une expérience fluide et immersive pour tous ses visiteurs. L'argument est clair : autoriser la prise de photos peut rapidement entraîner des encombrements, des distractions, et perturber le déroulement de la visite pour les autres invités. On imagine aisément les files d'attente devant une œuvre, les flashs intempestifs ou les groupes s'attardant pour la photo parfaite.

De plus, le musée souligne un risque potentiel pour les objets exposés. Si les flashs sont connus pour leur effet néfaste sur les pigments et les matériaux fragiles, même la lumière ambiante constante ou l'agitation des foules peuvent, à terme, contribuer à la dégradation des objets. L'objectif est donc de garantir à la fois le confort des visiteurs et la conservation à long terme des collections.
Panneau d'interdiction d'écrire sur les murs, photographier, manger, toucher, fumer... à Tuol Sleng
Panneau de politique de restrictions pour la visite du musée Tuol Sleng

Dignité, authenticité et lutte contre la désinformation : Le cas de Tuol Sleng

Le Musée du Génocide de Tuol Sleng (S-21), un lieu chargé d'histoire et d'émotion, a des motivations bien différentes, et absolument compréhensibles. L'interdiction de photographier est ici motivée par le souhait impérieux de préserver la dignité du lieu et de ses victimes. Il s'agit d'éviter toute utilisation des photos et vidéos à des fins commerciales, de divertissement ou, pire encore, de désinformation.

Le musée souhaite limiter le risque de diffusion d'images du site accompagnées d'explications erronées ou de commentaires inappropriés, qui pourraient déformer le message historique et manquer de respect à la mémoire des disparus. Dans un lieu de recueillement et de mémoire, la contemplation silencieuse et le respect priment sur la capture d'images.
Panneau d'interdiction d'écrire sur les murs, photographier, manger, toucher, fumer... à Tuol Sleng
Panneau de politique de restrictions pour la visite du musée Tuol Sleng
Panneau d'interdiction de photographier, manger, fumer... au musée national du Cambodge
Panneau de politique de restrictions pour la visite du musée national du Cambodge

Le musée national : Silence et incohérence apparente

Étonnamment, le musée national n’a pas répondu à la demande relative à sa politique de photographie.

Cette situation soulève des questions, d'autant plus que le musée national du Cambodge a récemment fait un prêt exceptionnel de 126 œuvres au Musée Guimet à Paris pour l'exposition "Bronzes royaux d'Angkor, un art du divin" jusqu'au 8 septembre. Le Musée Guimet, comme la plupart des musées français, autorise généralement la photographie (sans flash) pour les visiteurs. Cette incohérence apparente – prêter des œuvres à une institution qui permet la prise de photos, tout en l'interdisant chez soi – interroge sur la stratégie globale et les raisons profondes de cette restriction au Cambodge. Est-ce une question de droits d'auteur, de gestion des foules, ou d'une autre considération non divulguée ?
Visiteurs au musée Guimet prenant des photos des œuvres d'art
Visiteur photographe à l'exposition sur les bronzes d'Angkor au musée Guimet à Paris

Et ailleurs dans le monde ?

La question des restrictions photographiques dans les musées n'est pas propre au Cambodge, mais la tendance globale est plutôt à l'ouverture.

Dans de nombreux musées occidentaux (le Louvre à Paris, Le Metropolitan Museum of Art à New York , British Museum à Londre, etc.), la photographie sans flash est généralement autorisée pour un usage personnel, encourageant même les visiteurs à partager leurs expériences sur les réseaux sociaux. L'idée est que cela génère de l'engagement, de la promotion et rend l'art plus accessible.

La politique d'interdiction de la photographie dans les musées cambodgiens, bien que parfois justifiée par des raisons valables comme la préservation des œuvres ou la dignité des lieux, soulève des questions. Dans un monde de plus en plus connecté où l'image est un vecteur puissant de partage et de promotion culturelle, cette approche peut sembler à contre-courant.

Le contraste avec l'exposition parisienne est frappant : d'un côté, une liberté qui contribue au succès et au rayonnement, de l'autre, une restriction qui peut freiner l'engagement du public et la diffusion du patrimoine.
Visiteurs au musée Guimet prenant des photos des œuvres d'art
Visiteur photographe à l'exposition sur les bronzes d'Angkor au musée Guimet à Paris